Intervention de J.E. ROBIOU du PONT
aux 7èmes assises internationales du GEMME
La Rochelle, table ronde du 7 juillet 2017
La médiation : une évidence …
Tous les conflits ont pour cause une relation altérée. Autrement dit, pour être en conflit, il faut d’abord ne pas, ou ne plus, parvenir à s’entendre avec l’autre. D’ailleurs, aucun juge ne raconte l’histoire de deux parties venant à l’audience, bras dessus, bras dessous, pour s’entendre dire le droit dans le conflit qui les unit.
L’idée de résoudre les différends en tentant d’abord de réparer la relation, plutôt que de livrer un combat judiciaire, est une évidence. Mais, si cela était si évident que cela, il y a belle lurette que les tribunaux seraient vides ! Pour sortir de ce dilemme, la seule alternative est de rendre obligatoire la médiation, ou, au moins sa tentative.
qu’il faut rendre obligatoire …
Mais, ce faisant, on génère un bug logique via le formidable paradoxe qui consiste à devoir rendre l’évidence obligatoire ! Ce paradoxe est construit sur la même logique que le fameux « Sois spontané ! », bel exemple des paradoxes de la communication, chers à l’École de PALO ALTO. L’un de ses éminents représentants, Giorgio NARDONE, considère qu’il faut un contre-paradoxe pour sortir du paradoxe. L’histoire, rapportée par son maître à penser, Paul WATZLAWICK, illustre bien cette notion de contre-paradoxe : un jeune homme se jette d’un pont pour mettre fin à ses jours et, sur l’ordre d’un policier qui le menace avec son arme de service, s’exécute et regagne la rive sain et sauf.
Appliquons le raisonnement à la médiation. Le conflit est un paradoxe relationnel. Le contre-paradoxe est que, pour sortir du conflit, les parties doivent accepter de se rapprocher pour se séparer. Giorgio NARDONE soutient que si le contre-paradoxe vient de l’extérieur, son effet est renforcé, telle l’intervention du policier. On peut ainsi considérer que l’École de PALO ALTO, qui est la base théorico-pratique de la médiation, prescrit de rendre la médiation obligatoire. Au demeurant, imposer aux parties en conflit d’être volontaires pour en sortir, c’est ce que à quoi s’attache le médiateur, au début de la médiation, quoiqu’il s’en défende.
via la tentative de médiation,
Le législateur a montré le chemin avec l’expérimentation, dans certains cas, de la tentative de médiation préalable obligatoire en matière d’affaires familiales. Parler de tentative de médiation était pourtant osé pour un puriste : la médiation étant une tentative de trouver un accord, la tentative de médiation, c’est-à-dire la tentative de tentative, n’avait a priori pas de sens. En réalité, le sens est bien là : tout comme en négociation, où il faut d’abord négocier sur le processus avant de négocier sur le fond, en médiation, il faut d’abord tester, pour s’engager ensuite.
Tenter une médiation, c’est à dire expérimenter le processus pour se convaincre de son efficacité avant de s’y engager, voilà une excellente idée. Sa traduction juridique consiste à conditionner la recevabilité d’une demande en justice à la preuve qu’une tentative de médiation a été menée.
qui instaure de la confiance … dans la médiation.
Parmi les rares modèles de tentative de médiation mis au point, TRUST TEST médiation a été conçu et structuré pour permettre aux médiés d’apprécier l’opportunité de s’engager dans une médiation, en clarifiant les inconvénients ou les risques de mener une médiation, les avantages ou les intérêts de mener une médiation et le niveau de confiance entre médiés, en dessous duquel la médiation sera un échec, chacun exprimant son point de vue et celui, supposé, de l’autre. Il ne s’agit donc pas d’un simple « GO / NO GO », habituel en matière de gestion de projet. Il s’agit, pour les parties, de mettre un pied dans la médiation. Ainsi, la tentative de médiation obligatoire devient un processus impactant, bien plus que la simple information. Cet impact, grâce au questionnement croisé qui participe à restaurer de la confiance, permet aux parties d’examiner l’opportunité d’« entrer » en médiation et les incite en ce sens. C’est d’ailleurs le but louable visé par le législateur.